Le numérique nous apparaît généralement à travers des images, des mots, des pictogrammes, des métaphores ou encore des interactions… Derrière ces choix de design en apparence techniques, il y a une manière très particulière de présenter et promouvoir cet ensemble socio-technique : celle d’un numérique sans matière, sans friction et sans impact.
Pire, le numérique participe à une forme de greenwashing en étant promu comme une solution technique à des problèmes environnementaux via les discours de la dématérialisation et de l’optimisation. Les représentations du numérique se placent ainsi dans la continuité de discours dominants qui reposent sur un optimiste technologique (Strand, 2018). Or ces choix de représentation, qu’ils soient conscients ou pas, participent à développer des imaginaires qui conditionnent la manière dont le numérique est envisagé, conçu et pratiqué. Nous intégrons sous le terme imaginaires autant les perceptions, modèles mentaux et théories populaires (folk theories) du quotidien que les promesses, discours et images de futurs possibles. À mesure que les outils numériques deviennent plus fluides d’utilisation, plus rapides et plus user-friendly, les ressources environnementales (et humaines) engagées pour parvenir à ces résultats sont de plus en plus conséquentes (Magee & Devezas, 2017). Les représentations du numérique participent alors à nourrir un imaginaire largement hors-sol du point de vue de ses impacts environnementaux.
Avec cette journée d’études, nous souhaitons ouvrir la réflexion sur la place du design dans la production de ces représentations, afin de comprendre en quoi elles nous éloignent d’une pratique plus écologique du numérique. En regard, nous souhaitons explorer d’autres voies possibles, d’autres alternatives, dans un travail de “pluralisation des fictions” (Masure, 2017), sans oublier les enjeux qui entourent leur co-existence avec les services numériques déjà implantés.
De nombreux travaux ont exploré les imaginaires du numérique développés par les fictions, à l’image de ceux de Lionel Maes (2022) sur les lieux communs de la représentation des ordinateurs dans les films de science fiction, depuis l’informatique dans laquelle on plonge aux ordinateurs qui s’émancipent. Des travaux de sociologie ont également montré les interrelations entre science-fiction et innovation (Michaud, 2011) ainsi que l’influence des imaginaires visuels de la science fiction sur le développement des interfaces (Shedroff & Noessel, 2012). De manière complémentaire à ces travaux focalisés sur les représentations du numérique dans les fictions, nous nous intéresserons ici principalement aux représentations internes au numérique, celles qui s’incarnent dans les choix des interfaces, dans les discours et la communication.
Ces imaginaires s’incarnent en effet jusque dans les choix terminologiques, dont le Cloud est devenu l’exemple emblématique. Lors des journées de travail Tangible Cloud artistes et designers ont démontré l’imposture de ce terme marketing permettant de camoufler la mise en réseaux permanente et l’implantation de data-centers toujours plus nombreux sous l’image légère et évanescente du nuage. À partir de ce terme, c’est tout un imaginaire visuel qui s’est développé, des photos de stocks participant au greenwashing des industriels du secteur (Degoutin & Wagon, 2021) jusqu’aux icônes de nuages encourageant les utilisateurs à stocker le maximum de données dans des serveurs propriétaires (Vitale et al., 2018). Ces imaginaires étant intégrés autant par les personnes qui conçoivent les plateformes numériques que celles qui les utilisent, ils participent à la diffusion de choix non questionnés, comme par exemple la mise en place de paramètres proposant toujours par défaut les modes de consommation les plus intensifs. À l’inverse, les options les plus sobres et économes sont souvent présentées comme des versions dégradées, à n’utiliser qu’en cas de besoin. Ce genre de motifs ou ”patterns” de conception (Brignull, 2013) peuvent être identifiés dans les plateformes numériques ou dans la communication qui les entoure, et témoignent de l’homogénéité de ces imaginaires, qui se traduit en partie par des similarités et des récurrences dans les choix de design.
Néanmoins, la conception de services numérique n’exclue pas systématiquement ces questions de représentations écologiques. Il peut s’agir de la principale valeur ajoutée du service, comme dans le cas des moteurs de recherche “écologiques”, ou d’outils visant à quantifier et visibiliser les impacts des usages numériques d’une personne. Ces services prennent le numérique écologique à la fois comme sujet et comme approche de conception, mais peuvent faire l’objet de critiques, vis à vis des façons d’objectiver le calcul de l’empreinte environnementale d’un usage donné (Cérin et. al., 2023), ou encore concernant l’auto-proclamation de leur caractère écologique (Derrac, 2024). De même, les indicateurs ou labels d’éco-conception numérique sont des manières de représenter un numérique écologique qui peuvent être questionnées. Si tant est qu’un label puisse solutionner les problématiques d’ordre graphique liées à l’identification de services numériques plus écologiques, il est également question de donner à comprendre, de représenter les facteurs pris en compte dans l’octroie du label.
Un numérique écologique peut aussi s’inscrire dans un changement radical de paradigme, passant par des imaginaires nouveaux qui s’affranchissent de certaines attentes orientant les choix de design vers des objectifs d’accroissement de l’engagement des utilisateur·ice·s, ou encore d’évolution perpétuelle des contenus et des fonctionnalités (Preist, 2016). Des organisations militantes produisent par exemple de nouvelles représentations à l’intersections de leurs luttes écologiques et/ou numériques. On peut notamment penser à la manière dont le “permacomputing” (Heikkilä, 2020) convoque un imaginaire issu du monde paysan qui met l’emphase sur la dimension située du numérique. Ces représentations, dans leur rapport de concurrence et de co-existence avec des idéologies rivales, peuvent tendre à se positionner dans la continuité formelle ou au contraire marquer leur indépendance grâce à des représentations radicales.
Ces différents exemples n’illustrent qu’une petite partie des problématiques liées aux représentation d’une écologie numérique. Nous espérons par cette journée d’étude créer des connexions nouvelles entre travaux de recherche sur l’existant et projets explorant des alternatives.
La journée d’études se tiendra le mardi 8 avril 2025 dans la salle de conférences de la MISHA de l’Université de Strasbourg, Allée du Général Rouvillois, 67000 Strasbourg et retransmise en ligne
La journée d’études est co-organisée par Nolwenn Maudet et Anaëlle Beignon, chercheuses dans le laboratoire ACCRA de l’université de Strasbourg et membres du projet de recherche Limites Numériques. La journée d’études s’inscrit dans le programme de recherche Cultures Visuelles de l’ACCRA.
Anaëlle Beignon
Margaux Crinon
Timothée Goguely
Nolwenn Maudet
Vivien Philizot
Sophie Suma
Organisé dans le cadre du projet ANR suffisance numérique, avec la participation financière de l’ACCRA
Conception graphique: Alice Ricci
Typographie: Libre baskerville, Avara et Sometype mono
15h00 - 17h00Balade de l’infrastructure numérique de Strasbourg
Balade animée par Thomas Thibault de l’équipe Limites Numériques. Le lien d'inscription est disponible ici.
9h00 Accueil & café
9h30Introduction
10h151er panel – Enquêter à partir des déchets numériques
Doctorante au LISN, Université Paris-Saclay, sur la modélisation des impacts environnementaux de la fin de vie des équipements numériques, après un passage au DIU ArTeC et un master au CRI (appelé aujourd’hui LPI).
Waste IT propose une expérimentation cartographique de sensibilisation sur un des enjeux de la matérialité numérique, sa phase de fin de vie, sa mise en rebuts. La modélisation de la fin de vie dans les analyses de cycle de vie (ACV) manque souvent de transparence, entraînant une invisibilisation et une sous-estimation des impacts environnementaux. Pourtant, ces mêmes ACV ont aujourd’hui une place importante dans les décisions politiques et stratégiques de la transition numérique et écologique, et il convient donc de questionner leurs hypothèses fondatrices. En considérant, ou rejetant, une part du réel, chacune d’entre elles devient une opération de mise en visibilité, ou en opacité, méthodologique des flux liés au numérique. Dans la lignée du design de la transparence et de la guerilla narrative d’Armiero, Waste IT cherche à faire apparaître l’influence de ces choix méthodologiques. Aux niveaux micro, méso et macro, et sur divers tissus (en particulier socio-techniques et socio-écologiques), quels choix pour quelle invisibilité structurelle produite ?
Anaïs Bloch est doctorante, illustratrice et chercheuse. Formée aux Beaux-arts de Lausanne, puis en Anthropologie de la culture matérielle à Londres. Son travail de recherche porte sur les pratiques de réparation et de transformation des
objets dans l’idée de réfléchir à ce que pourrait être une pédagogie de la panne. Dans ce contexte, elle explore les modes de production de connaissances avec une approche de recherche-création par la bande dessinée. Elle fait également
partie du collectif Marie-Louise, du collectif La Bûche, un fanzine d’autrice.x.s de Bande dessinée et de la SCAA, l’association professionnelle des auteurice.x.s de
bande dessinée
suisses.
Thibault le Page est dessinateur et doctorant en socio-anthropologie.
Depuis 2022, il travaille à une thèse de doctorat portant sur les ruines de la pop culture à l’université de Genève et à la Head Genève HES-SO sous la
direction de Nicolas Nova et Mathilde
Bourrier. Il rédige une grande partie de sa thèse sous la forme d’une bande-dessinée. Dans ce cadre, en 2023 il est lauréat d’une bourse de mobilité du Fonds National Suisse qui lui permet d’effectuer une enquête de terrain à la Game
Preservation Society à Tokyo.
Cette communication explore le décalage entre la perception immatérielle du numérique et son impact environnemental tangible. Elle s'inscrit dans une critique de l’optimisme technologique dominant (Strand) et mobilise des approches comme le « follow the thing» ou la biographie de l’objet (Appadurai) pour retracer l'évolution des représentations d’objets numériques tout au long de leur cycle de vie, au dela des chaînes de recyclage traditionnelles. Cette contribution repose sur une enquête multi-située (France métropolitaine, La Réunion, Allemagne, Suisse, Japon) et s’intéresse aux secondes vies des objets électroniques mis au rebut. Trois terrains sont privilégiés :
11h15 Pause
11h30 2e panel – Pratiquer d’autres imaginaires numériques
Labo•mg est un atelier d'exploration des espaces et outils numériques dans une éthique environnementale. Dirigé par Margaux Crinon et Geoffrey Dorne, l'atelier développe des recherches sur les nouvelles formes de relations aux environnements biologiques, à travers des enquêtes de terrain en sciences participatives, des workshops de design fiction et des ateliers de bio-typographie. Margaux Crinon est doctorante en design à l'Université de Strasbourg, où elle travaille sur une thèse intitulée « Concevoir le sauvage ». Geoffrey Dorne, designer depuis 2004, explore une approche radicale du design inspirée des pratiques du hacking et du détournement.
Cette présentation fait l’état du projet de recherche en design d’interaction Genius Loci, développé par l’atelier Labo•mg, qui propose une nouvelle approche de notre rapport au numérique. Face à l’apparente dématérialisation des informations numériques, ce projet vise à réinscrire les infrastructures web dans leur réalité territoriale et écologique. En s’inspirant des pratiques situationnistes et de la notion de dérive urbaine théorisée par Guy Debord, Genius Loci se manifeste sous la forme d’une extension de navigateur qui réintroduit des éléments de biodiversité dans l’expérience de navigation. Cette approche permet de transformer l’errance numérique en une forme de flânerie consciente et émancipatrice, en écho aux réflexions de Thoreau et Le Breton sur la marche. En rendant visibles les connexions entre le virtuel et le territoire, ce projet interroge notre rapport à l’attention dans les écosystèmes médiatiques contemporains et propose une réappropriation de notre temps de navigation au profit d’une exploration plus attentive de notre environnement immédiat.
Fabrice Sabatier est Docteur en Art et Sciences de l’Art (ULB, ERG) et enseignant en théorie du design graphique à l’ESAC Cambrai. Il est également chercheur au
sein du Laboratoire sauvage Désorceler la finance à Bruxelles.
Keyvane Alinaghi est
artiste, développeur et musicien, vivant et travaillant à Lille. Il enseigne le code créatif à l’École Supérieure d’Art et Communication de
Cambrai (ÉSAC) et co-dirige avec Caroline Tron-Carroz le programme de recherche « Retour aux sources : la création numérique reconsidérée ».
PtP est une sélection de deux jeux de cartes réalisés par les enseignant.es et les étudiant.es de l'École Supérieure d'Art et de Communication de Cambrai. Le premier (PireToPire) est un jeu de collection augmenté, pensé pour modéliser le protocole internet Peer to Peer en prototype tangible. Le second (Prompt to Play) est un dispositif conversationnel invitant les participant.es à s’interroger sur les intelligences artificielles et leurs usages, notamment dans les écoles d’art. Cette communication aura pour objectif de présenter ces « jeux » et leur dispositif, de décrire les conversations qu’ils génèrent et d’expliquer en quoi et comment ils travaillent les imaginaires (notamment écologiques), à partir de retours d’expériences et des « résultats » obtenus.
12h30Repas
14h30 3e panel – Matérialiser & Dématérialiser le numérique dans les arts
Lorène Picard est docteure en design, chercheuse au Centre de Recherche en Design ENS Paris-Saclay ENSCI - Les Ateliers et designer graphique. Elle est directrice-adjointe aux études du DER design de l’ENS Paris-Saclay et enseigne en master recherche en design.
Nous étudierons la critique artistique radicale de la dématérialisation à travers les œuvres Erewhon (Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, 2019) et Compression Ubérisée (Christophe Bruno, 2019), en revenant sur les fonctions de la chair et de l’irreprésentable dans le contexte du capitalisme des plateformes.
Auxence Robert est étudiant à l’Université de Strasbourg en Master Cinéma et audiovisuel. Il est également assistant de recherche auprès du programme de recherche Cultures visuelles de cette université. Son mémoire porte sur le concept du joueur-spectateur et la liberté leibnizienne dans le 10ème art. Il est effectué sous la direction de Raphaël Szöllösy, maître de conférences à l’Université de Strasbourg. Ses communications ont exploré des thématiques telle que « Monk d’Andy Breckman (2002-2009, USA Network) : le « détective défectueux » qui réinvente les codes de la série policière », « Le générique évolutif de Person of Interest (2011-2016, CBS) » ou « (Re)connaissance faciale artificielle et opération graphique grise ».
Dans Person of Interest (2011-2016, CBS), la Machine fonctionne en analysant les relations et réseaux qui façonnent le monde, une approche analogiste décrite par Philippe Descola (Par-delà Nature et Culture, 2005). Cette interconnexion esthétiquement traduite par les split-screens reflète une pensée écologiste du monde.Superordinateur espion, la Machine prédit les menaces pour la sécurité nationale en traitant des quantités pharaoniques de données. Dans la série de Jonathan Nolan, elle détecte des crimes prémédités que Finch et Reese tentent d’empêcher. Elle en est également la narratrice, matérialisée par des plans de caméras de surveillance et des représentations de son fonctionnement.La série met en avant la matérialité du numérique, notamment à travers le data center de la Machine, visible dès le Pilot (S1E01). Elle aborde également les enjeux énergétiques liés à son existence. Ainsi, Person of Interest refuse d’invisibiliser le « système technicien » (Ellul, 1977) sur lequel repose son intrigue.
Simon Zara est artiste-chercheur, docteur en arts (histoire, théorie et pratique) et professeur agrégé en arts plastiques à l’université de Strasbourg. Ses recherches portent sur la vision et les milieux visuels dans lesquels nous naviguons quotidiennement, et plus spécifiquement sur le phénomène de circulation des images informé par les pratiques artistiques contemporaines. Il est chercheur associé au CEAC (ULR 3587) et à l’ACCRA (UR 3402), et coordinateur du champ de recherche « Pratiques et politiques visuelles » au sein du programme de recherche « Cultures Visuelles » de l’université de Strasbourg.
Si l’imaginaire d’un numérique dématérialisé persiste au cœur de la culture visuelle dominante, plusieurs artistes lui opposent une « contre-visualité » en donnant à voir la « matérialité de son incarnation ». Ainsi, Trevor Paglen filme des câbles de fibre optique immergés au large de la Floride (Deep Web Dive, 2015), Evan Roth capte, à l’aide d’une caméra infrarouge, des paysages au sein desquels des câbles du même type émergent des eaux (Landscapes, 2016-), et Mario Santamaría organise des tours guidés des infrastructures cachées au cœur de nos grandes villes (Internet Tour, 2018-). Toutes ces propositions artistiques visent à « montrer à quoi ressemble l’invisible ». Ce faisant, elles rejouent une distribution entre le visible et l’invisible. Par conséquent, elles peinent à saisir l’ampleur des phénomènes traités au-delà du champ visuel. Dans cette communication, il s’agira alors de « suivre les acteurs eux-mêmes », selon l’expression de Bruno Latour. Pour ce faire, l’enquête envisagera la multiplicité des relations (humaines et non-humaines) prenant place au sein du milieu sociotechnique dessiné par la vie d’une image numérique et insistera sur une réévaluation des images en tant qu’opérations de reconfiguration du « partage du sensible ».
15h30 Pause
15h45 4e panel – Questionner les interfaces graphiques
Emmanuel Debien est designer graphique et cofondateur de l’Atelier Bartleby, un studio de design entre espace et signes. Avant cela, il a réalisé à l’EnsadLab un cycle de recherche sur l’histoire de la mise en page en France et en Chine, et a travaiIlé pendant une dizaine d’année sur des projets numériques allant des applications mobiles à la conception de sites web en passant par des bornes interactives ou des montres connectées. Il développe actuellement une thèse sur l’histoire du design d'interface, sous la direction de Catherine de Smet, à l’université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Cette recherche vise à enrichir la lecture du design graphique par l’exploration de l’histoire du design d’interface. Elle traite aussi de la notion d’expériences utilisateur·ices en l'ouvrant sur le champ des cultures visuelles et des études matérielles, les questions d'usages collectifs et de design sans designer. Il est aussi l’auteur d’un article sur le skeuomorphisme paru dans la revue Back Office #5.
Les interfaces graphiques, au sens du terme anglais de Graphical User Interface (GUI), sont des environnements visuels numériques. Ils sont conçus pour manipuler des données stockées dans la mémoire d’un ordinateur. Ils sont donc des sur-couches visuelles conçues pour permettre un échange, une symbiose (Licklider 1960) entre l’humain et la machine. Ce dialogue passe principalement par la manipulation directe d’éléments graphiques (textes, images, icônes, des boutons, …) qui sont simulés par la machine, le tout, dans un environnement lui-même simulé (fenêtres flottante, menus déroulants, …). L’interface graphique procède alors d’une série de choix de design qui définissent le champ des possibles, et les modalités visuelles et pratiques d’interaction avec les données. Cette communication propose de replonger dans l’époque qui a vu naître les premières GUI, qui, en proposant d’imaginer un ordinateur-outil destiné à augmenter les capacités cognitives humaines s’opposaient à l’idée, alors majoritaire, d’un ordinateur-assistant, une intelligence artificielle, à même de penser pour et à la place de l’humain. Nous verrons alors que le problème du coût énergétique se posait déjà, même si elles n’étaient pas encore associées à des questions écologiques, et qu’elles n’avaient pas la même ampleur que celles soulevées par le recours à l’IA dans nos interfaces.
Doctorant à l'UCBL, l'INSA Lyon et Commown, Arthur s'intéresse aux impacts socio-environnementaux du numérique depuis 2019. Pratiquant la culture Unix, il tente de la mobiliser pour limiter l'obsolescence logicielle. Attaché à l'idée de rendre les terminaux plus abordables pour tout le monde il expérimente des services numériques sobres et simples d'utilisation sur le serveur communautaire qu'il anime avec des copaines et à Commown dans le cadre du déploiement d'un service d'infogérance.
Si d'un côté les CLI sont peu soumises à l'obsolescence logicielle mais que leurs mécanismes d'interactions compliquent leurs usages, de l'autre un ensemble de facteurs ont rendu au fil du temps nombre de GUI trop gourmands pour fonctionner convenablement sur du matériel ancien. Face au défi environnementale que constitue la durabilité du matériel informatique il est opportun d'étudier le spectre qui existe entre ces deux paradigmes et tenter d'en extraire le meilleur.D'abord en s'intéressant aux "nouvelles" capacités des terminaux. Couleurs 256 bits, support de la souris, caractères unicode, affichage d'images, toutes ces fonctionnalités permettent le développement de TUI (ici Terminal User Interface) implémentant, pour partie et de manière généralement plus sobre, des affordances et des manipulations traditionnellement réservées aux GUI.Puis en analysant plus finement la diversité des GUI. Elles n'imposent pas toutes de disposer de quantité conséquentes de ressources et certaines permettent de mettre à profit les interactions possibles via des CLI contournant ainsi leurs effets restrictifs.En explorant l'espace entre les CLI et GUI par les deux bouts on esquissera ce que pourraient être des interfaces hybrides, à la fois soucieuses du matériel et riches en diversité d'interactions.
17h15Conclusion